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STRATEGIE



Mus par la passion de l'élevage, nous accueillons notre première jument de race Trotteur Français (TF) à la Fellière en janvier 1992. Cavaliers de longue date, nous étions totalement novices en matière de trotteurs. Aujourd'hui, notre modeste élevage est installé sur 8 ha, avec deux poulinières. Jusqu’à ce jour, tous les produits mâles, sans exception, sont commercialisés au sevrage ou yearlings. Selon l'estimation des besoins en futures poulinières, les femelles peuvent être vendues ou mises en location de carrière de course, en vue de leur possible réintroduction dans l’élevage comme juments. Nous exerçons une veille sur les ventes, à la recherche de femelles à potentiel génétique supérieur à celui dont nous disposons, afin d’en tenter l’achat à prix raisonnable. Cette pratique à pour objet d’élever le potentiel génétique et de diversifier les origines de nos génitrices.

LE JEU DU VIVANT
Le moteur de cette activité d’élevage de trotteurs, dont nous n’avons jamais ignoré les contraintes, est probablement le plaisir d’entreprendre. La compétition est terriblement difficile puisque, par rapport aux naissances, les statistiques moyennes donnent 1/3 de qualifiés et que nous évaluons à 10% la proportion de poulains rentables pour le naisseur. La confrontation des réalités pratiques de l’élevage et des outils rationnels les plus abstraits est également un jeu passionnant favorisé par  les moyens informatiques. A défaut de sortir un champion et de faire fortune, le parcours est ponctué d’émotions. C’est probablement avant tout ce que l’on recherche inconsciemment au sein d’une société relativement sécurisée. Les rapports avec l’animal sont passionnants si l’on a quelque goût pour l’éthologie. Les occasions de nouer des relations avec des professionnels ou des amateurs sont également dignes d’intérêt. Point n'est besoin de disserter sur les effets enthousiasmants d’une naissance, d’une brillante qualification, d’une arrivée victorieuse, mais aussi de la mise au point d’une collaboration entre amis…

ELEVEUR : UN METIER SANS CESSE REMIS SUR LE METIER !
Si la stratégie de sélection revêt à nos yeux une grande importance, le potentiel génétique ne pourra correctement s’exprimer sans un environnement et des conditions d’élevage favorables. L’optimisation de la situation nécessite des connaissances éclectiques. Il est nécessaire d’appréhender aussi bien le logement, l’alimentation et la gestion des pâtures, le suivi de la reproduction et la mise bas que la santé, l’hygiène et le comportement. La notion de facteur limitant est décisive. Si compétant soit-on dans plusieurs domaines, le résultat attendu pourra s’effondrer si apparaît une défaillance sur un seul. L’éleveur doit être sans cesse en éveil pour analyser son travail et puiser sa réflexion dans l’expérience et la documentation.  

UN LEVIER EXTRAORDINAIRE : LA GENETIQUE
Afin de connaître quelques émotions gratifiantes, rappelons que nos produits doivent se classer dans le quart supérieur du potentiel génétique de la population nationale TF et, pour que l’activité devienne rentable, dans les 10 % meilleurs. Nous devons donc réaliser une sélection drastique. Notre démarche génétique n'est pas conforme aux habitudes de la profession ni, en conséquence, en accord avec les orientations ratifiées par la puissance publique. Fort de notre expérience en génétique sur d'autres espèces, nous maintenons le cap puisque telle est notre conviction. Ainsi le BLUP des trotteurs, ou BTR, est notre critère N°1 alors qu’il est boudé par la grande majorité des éleveurs. Le règlement du Stud-book, validé par le législateur, exclut ce précieux indicateur génotypique (expression du potentiel génétique inscrit dans les cellules et transmissible aux descendants) au profit d’un patchwork de caractères phénotypiques (caractères et performances exprimés par un individu et conséquence de son génotype mais aussi du milieu auquel il est assujetti) pour l’inscription des produits TF. Par ailleurs, alors que de nombreux « experts » pratiquent le rappel de sang sur les chefs de race avec l’inbreeding, nous recherchons, pour nos accouplements, le taux de consanguinité le plus faible !…
Décrivons les grandes lignes de notre stratégie. En préambule, reconnaissons que nous ne l’avons pas toujours appliquée à la lettre, faute de moyens en matière de données disponibles et en raison d’options économiques relatives aux investissements. Elle est fonction des possibilités actuelles et pourra, bien évidemment, évoluer.
En premier lieu, pour obtenir quelques résultats, il est nécessaire de ne mettre à la reproduction que des juments dont le potentiel génétique se situe dans le quart supérieur de la population, voire les 15 % si l’on exige la rentabilité à court terme. Cette évaluation se fera avec le BTR et d’autres critères complémentaires, notamment si le coefficient de détermination de ce BTR est faible et en pénalise la fiabilité.
Le choix des étalons en vue des accouplements se fera en 4 grandes étapes par tris successifs, partant des quelques 600 étalons TF disponibles, à savoir :
      1.Potentiel génétique performance. Un seuil de BTR minimum de 48 actuellement (ce seuil est réactualisé tous les ans pour être dans la fourchette 10 à 15 % des meilleurs) permet d’obtenir une centaine d’étalons dont on confirmera la valeur, comme pour les femelles, avec un taux de qualifié corrigé et un gain par naissance. La procédure de classement pour le tri est adaptée au degré de fiabilité de l’estimation de la valeur génétique.
      2.Consanguinité. Afin d’éviter l’effet dépressif et l’apparition de tares (aux effets parfois discrets tels qu’infécondité ou avortement), un véritable taux de consanguinité (voir annexe ci après) est calculé (sur 4 générations d’ascendants pour commencer) pour tous les accouplements possibles à ce stade. Les étalons induisant un taux supérieur à 0,6 % sont éliminés. Le taux de consanguinité des étalons restants est affiné avec une génération supplémentaire pour l’optimisation finale.
      3.Complémentarité. Les candidats en lice font l’objet d’un examen des complémentarités possibles, avec les juments, concernant le format et le caractère notamment. En raison de l’absence d’indicateurs génotypiques pour ces caractères, ne sont retenues que les tendances très marquées, dont l’effet sera faiblement pondéré.
      4.Conditions de saillie. A ce stade, la fécondité (pour les étalons ayant commencé les saillies l’année n-3) et le prix de saillie sont pris en compte ainsi qu’éventuellement d’autres contraintes. Les étalons avec fécondité connue inférieure à 60 % sont éliminés de même que ceux dont le prix dépasse un certain budget en fonction de la fiabilité de leur BTR.
A l’issue de ces 4 étapes d’élimination et de collecte de données, un travail d’optimisation, par jument, est réalisé avec les étalons ayant satisfait aux précédentes conditions. En particulier, le taux de consanguinité minimum, affiné sur 5 générations d’ascendants, est recherché et, en tout état de cause, plafonné à 1 %. Cette démarche finale conduit au calcul d’une valeur synthétique pondérée pour chaque étalon par jument. Pour chacune d’elle, l’étalon le mieux placé en valeur synthétique est retenu.

PREMIER BILAN
Expérience globalement satisfaisante. Cette démarche multidisciplinaire d’apprentissage permanent et de découverte correspond à notre besoin de compréhension du vivant.
Bien qu'il nous ait fallu attendre 4 années pour faire naître un performer capable de passer les 100 000 € de gains, nos récentes analyses et les derniers résultats justifient notre optimisme raisonné. Sur 20 saillies nous avons eu le plaisir d’accueillir 14 poulains viables, soit 70% de fécondité, ce qui est très légèrement supérieur à la moyenne. De plus, sur un total de 11 poulains en âge d’être qualifiés, 8 d’entre eux induisent un taux de qualification de 73 %, à comparer au taux national moyen situé dans la fourchette 30 à 40 %...


Nous espérons que cette présentation sommaire est suffisamment explicite malgré la complexité du sujet. C’est avec modestie et attention que nous restons à l’écoute de vos éventuelles remarques et que nous échangerons avis et expériences…

JB le 15 mars 2004

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ANNEXE :
Expression mathématique de la consanguinité.

rxy = Somme [(1/2)n1+n2+1 x (1+FA)]
Avec :
rxy = coefficient de parenté du couple xy ainsi que taux de consanguinité de leurs éventuels produits.
n1 = nombre d’intervalles de générations entre le parent 1 et l’ancêtre commun.
n2 = nombre d’intervalles de générations entre le parent 2 et l’ancêtre commun.
FA = consanguinité propre de l’ancêtre commun A.

Quelques références bibliographiques relatives à la consanguinité :

Page 150 (§ 4-3-4-3) - Mathématiques et génétique - H.L. LE ROY - Chambre d’Agriculture 72 - 1er trimestre 1972.
Page 18 (§ 2.1.) - Les Distances Génétiques - Marianne LEFORT-BUSON - Institut National de la Recherche Agronomique - 4ème trimestre 1985.
Page 205 (§32) - Amélioration génétique des Animaux d’Elevage - Raymond GADOUD et autres - FOUCHER - Mai 1986.

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Danièle et Jacques BOULLY    "La Fellière"    49330 JUVARDEIL    FRANCE

Tél : 02 41 69 40 02             E-mail : felliere@orange.fr

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